quels sont les avantages et les inconvénients de la gouvernance actionnariale ?
Modèle consistant à organiser et conduire l’entreprise pour satisfaire les intérêts des actionnaires, la gouvernance actionnariale a longtemps été le système privilégié. Ses partisans y voient le garant d’une gestion susceptible de créer de la valeur rapidement. Toutefois, la financiarisation accrue de l’économie et le court-termisme stratégique qui en découlent posent question.
Quels sont les différents types de gouvernance d’entreprise ?
La gouvernance d’entreprise caractérise l’ensemble des processus et règles mis en place pour structurer, piloter et contrôler l’entreprise. Elle définit en particulier la répartition du pouvoir de décision au sein de la structure.
On oppose traditionnellement la gouvernance patrimoniale à la gouvernance actionnariale. La première, qu’on appelle également modèle stakeholders, tient compte de l’ensemble des acteurs qui interagissent dans l’entreprise, les parties prenantes. Nous y reviendrons.
La gouvernance actionnariale, ou modèle shareholders, a quant à elle pour objectif principal de sécuriser les investissements des actionnaires et donc de renforcer leur pouvoir, souvent au détriment de celui des dirigeants. Prédominant dans les entreprises jusque très récemment, ce modèle repose sur les travaux de Milton Friedman, prix Nobel 1970. Son développement naît de la réforme des systèmes de retraites aux États-Unis dans les années 1970, laquelle imposait aux fonds de pension de diversifier leurs placements. La conséquence a été un transfert massif de l’épargne des salariés des banques vers les marchés financiers. Cette financiarisation de l’économie a obligé les dirigeants d’entreprises à promettre toujours plus de dividendes pour capter des capitaux.
La gouvernance actionnariale, un modèle plébiscité des années durant pour ses avantages…
La gouvernance actionnariale part du postulat que la seule raison d’être de l’entreprise est de créer de la valeur et de la distribuer à ses actionnaires. En imposant des retours sur investissement très rapides, ces derniers seraient les garants de l’optimisation des outils de production. Les décisions doivent être immédiatement opérationnelles et produire des résultats à brève échéance.
Rappelons que les actionnaires sont rémunérés par la distribution de dividendes. On comprend, pour eux, l’avantage de ce système de gouvernance : en exerçant un contrôle de fait sur les dirigeants de l’entreprise, ils peuvent orienter la gestion afin de maximiser la part du bénéfice distribuable. Ajoutons que l’actionnaire a un droit légitime de s’interroger sur la bonne gestion de l’entreprise dans laquelle il a investi.
Une des critiques récurrentes de ce mode de gouvernance vise les gestionnaires d’actifs (26 % de l’actionnariat connu du CAC 40 en 2018, selon une étude Euronext) et autres fonds de pension, qui seraient obnubilés par la recherche de profit à court terme. Il est bon de rappeler que ces structures ont pour objectif de faire fructifier les fonds qui leur sont confiés. En exerçant un contrôle sur la gestion des entreprises dans lesquelles elles investissent, elles sécurisent l’épargne et la retraite de millions de ménages.
… progressivement remis en question avec l’émergence de la théorie des parties prenantes
Le principal reproche fait à la gouvernance actionnariale est de favoriser une vision court-termiste de la gestion de l’entreprise. Créer de la valeur pour l’actionnaire suppose en effet d’être rentable très rapidement pour pouvoir distribuer des dividendes. Le management est alors contraint à des arbitrages excluant les objectifs à long terme. Cela se peut se traduire par des décisions allant à l’encontre des parties prenantes de l’organisation : réduction brutale des coûts (plans de licenciements, par exemple), baisse des investissements vus comme des sorties de cash, ou encore plans de rachat d’actions propres pour doper le cours de bourse. La crise des subprimes en 2008 a été un bon exemple des dérives de ce type de gouvernance, certaines banques ayant pris des risques inconsidérés en prêtant à des clients non solvables. En visant à maximiser les profits à court terme, elles ont entraîné l’effondrement de l’économie.
Les dirigeants, dont la rémunération est souvent assise sur des critères financiers, n’ont d’autres choix que de se soumettre à cette recherche du profit immédiat au risque d’être sanctionnés. L’accroissement du turnover des top managers depuis quelques années est en ce sens révélatrice.
Enfin, la seule prise en compte des intérêts de l’actionnaire peut aussi conduire les entreprises à des comportements abusifs, voire dévoyés au regard de la société : fraude fiscale, activités criminelles, etc.
Ces critiques ont permis l’émergence de nouvelles théories visant une gouvernance mieux partagée au sein des entreprises et prenant en considération l’ensemble de ses parties prenantes : actionnaires, dirigeants, salariés, clients. La conduite des entreprises doit désormais aussi tenir compte des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité.
À noter que cette nouvelle approche s’est traduite au niveau législatif par la loi PACTE (mai 2019) en France et la résolution 2020/2137 du Parlement européen (décembre 2020) sur la gouvernance durable des entreprises.